Fondamentaux de la Ligue Européenne des Droits de l'Enfant

Le projet de la ligue part d'un constat : de nombreux enfants vivent des situations transfrontières du fait de la mobilité et de la migration. Les familles déménagent, les couples se séparent et l’enfant est amené à vivre des déplacements à travers les frontières. La filiation s’internationalise également (exemple l’adoption internationale, procréation médicale assistée, gestation pour autrui). Les mesures de protection (mineurs en difficultés) impliquent aussi des pratiques transfrontalières. La convention internationale relative aux droits de l’enfant, les traités internationaux de protection internationale de l’enfant, le règlement de Bruxelles II bis ont pour finalité de traiter ces situations, d’y apporter des solutions dans des contextes parfois forts différents, comme le contentieux de l’autorité parentale (déplacement illicite), l’adoption internationale, l’accueil familial international, les mesures protectionnelles internationales.

Il faut néanmoins reconnaître des résistances et des blocages. De nombreux professionnels hésitent à envisager des mesures protectionnelles, des mesures d’aide internationales alors que l’intérêt de l’enfant devrait l’imposer. En matière d’aide à l’enfance en difficultés (maltraitances, négligences graves, abus sexuels) dont la situation est transfrontière (parents résidant dans un autre pays que celui de l’enfant), de nombreux professionnels s’opposent  à un déplacement à travers les frontières et craignent une perte de cohérence, des absences de garanties, un émiettement des informations quant à la prise en charge de l’enfant. Par contre, dans certaines situations, des mesures protectionnelles internationales sont mises en œuvre sans toutefois respecter le droit international, exemple le maintien du lien avec les familles. De nombreux enfants sont donc placés dans  des pays tiers sans que les procédures ad hoc soient respectées, au mépris du respect de leurs droits fondamentaux et de leurs intérêts.

Force également est de constater que la protection de l’enfance est aussi d’ordre public territorial,   que les principes de souveraineté s’appliquent et que la liberté de circulation n’est pas reconnue aux motifs que l’aide et la protection de l’enfance dont d’ordre public et relèvent la compétence exclusive des états. L’Europe a cependant pour objet de dépasser limites contenues à travers les frontières territoriales européennes et de penser la protection de l’enfance en termes d’ordre public européen.

L’internationalisation et l’européanisation de l’enfance doit donc nous amener à remettre en question nos représentations, nos pratiques sociales et pour faire face à ces blocages, à ces difficultés, il est important de revenir aux fondamentaux :

  • La convention internationale relative aux droits de l’enfant tend à reconnaître l’enfant en tant que sujet et à faire prévaloir l’intérêt de l’enfant sur toute autre considération. Ce texte a été adopté le 20 novembre 1989 par les Nations-Unies et a été ratifié par la quasi-unanimité des pays de la planète. Le respect des droits des enfants en situation transfrontière passe par le respect de ce socle fondamental. Cela signifie qu’il incombe aux professionnels de vérifier si le déplacement de l’enfant à travers les frontières est conforme aux droits et intérêts de l’enfant.
  • Il est aussi important de s’en référer aux traités de la convention de la Haye, le règlement de Bruxelles II bis. Avec l’avènement de ces nouveaux traités, nous nous trouvons aussi à un carrefour, au passage d’un ordre unilatéral des Etats vers un ordre international et européen plus interactif, plus égalitaire, plus participatif. Le droit international né de la Conférence de La Haye encourage des pratiques de coopération, de collaboration, de médiation et encourage la mise en place d’un réseau professionnel à travers les frontières. Il tient compte du principe d’égalité entre les Etats et de la pluralité des systèmes.
  • Le rappel du droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 de la convention européenne des droits de l’homme) est également très important. Cet article est fondamental à plusieurs titres.  Il rappelle tout d’abord que les Etats ont l’obligation de prendre des mesures nécessaires pour soutenir les parents et les familles et que les enfants ne devraient être séparés de leurs parents que dans des circonstances exceptionnelles. 
    L’article 8 reconnaît aussi un droit au respect du lien intime, au respect du lien d’attachement, du lien  affectif. Cette prise en compte de l’intimité devient de plus en plus un enjeu et part du constat que le processus de subjectivation, d’individuation de l’enfant passe aussi par le respect de ses liens affectifs, de ses liens d’attachement. 
  • La convention européenne des droits de l’homme est née après l’horreur des camps de concentration et des chambres à gaz. Elle part du constat que notre ancienne pratique des droits humains n’a pas su résister aux horreurs commises par les régimes fascistes et nazis. La convention européenne des droits de l’homme de 1950 vient reformuler nos pratiques démocratiques et nos pratiques des droits humains. Désormais, les droits humains ne sont plus soumis à l’appréciation souveraine des états, un individu peut assigner un état devant une juridiction internationale et demander la condamnation de l’état ne respectant les droits , les droits humains sont opposables aux états. Les droits humains priment sur les états. Nous pensons également que les droits de l’enfant doivent primer sur les états.